Il y a 100 ans en 1915, de la mer du Nord à la frontière suisse, les combattants sont désormais enterrés pour longtemps dans des tranchées. Nos poilus sont bombardés par une artillerie allemande puissante. L'entêtement d'états-majors incapables de s'adapter à cette guerre de positions va causer des milliers de morts. Pour 1915 pour l'armée française 404.000 morts, 1.326.911 blessés, 1.177.390 malades.
A St Pierre c'est l'année la plus meurtrière de la guerre, il y eu 15 morts.
De Nieuport en Belgique jusqu'à St Dié dans les Vosges, des combats dans les Dardanelles en Turquie, les jeunes de 21 ans et les plus agés mariés et pères de famille ont péri dans des conditions atroces. Nous avons retrouvé le récit de la fin de leur vie dans les journaux de marche des régiments auxquels ils étaient affectés.
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Le 15 janvier, Jean Baptiste Jules Cyprien FABRE est le premier mort de l'année 1915. Il était né en mai 1880 à Labastide-Lévêque dans l'Aveyron, dans une famille nombreuse. Arrivé à Saint-Pierre après son service militaire (classe 1900), il était cultivateur. Il avait épousé en 1906 l'aînée des soeurs CHAMPON, Marie dite Marthe, avec laquelle il avait eu une fille, Julienne, née en 1907. En août 1914, il est mobilisé au 37ème régiment d'infanterie coloniale. Dans un premier temps, ce régiment est envoyé à l'entrainement à Toulon. Mais, dès le 10 septembre 1914, étant donné les énormes pertes subies par l'armée française dans les premières batailles, il est envoyé au combat, dans les Vosges, dans la zone de la Forain, au Nord de Saint-Dié. Là, dès la fin septembre, le front est fixé , les armées creusent leurs réseaux de tranchées et s'affrontent régulièrement pour tenter de s'emparer des tranchées adverses. C'est dans l'un de ces combats, lancé le 14 janvier à l'aube, que Jules FABRE est tué. « L'opération s'exécute conformément aux ordres donnés (...).Elle réussit parfaitement. L'ennemi est chassé de ses positons après un vif combat. Les tranchées sont démolies, bouleversées et comblées. Nos pertes sont de 27 blessés et 10 tués. » , dit l'Historique régimentaire.
A l'autre extrémité de la ligne de front, près d'Ostende en Belgique, a lieu au printemps 1915 l'un des épisodes de la bataille de l'Yser. Là combattent aux côtés de l'armée belge des éléments de l'armée française, en particulier deux régiments de fusiliers marins constitués en urgence à l'automne 1914. Ces marins professionnels transformés en combattants terrestres, placés sous le commandement de l'Amiral Ronarc'h ont joué un rôle non négligeable dans les combats visant à empêcher les Allemands de s'emparer des ports de la Mer du Nord en novembre 1914. Joseph Louis HENRY faisait partie du 2ème régiment de marins. Né le 25 juillet 1888 à Bordeaux, il s'était engagé dans la marine en 1908 et était quartier-maître mécanicien. Il est tué le 12 mars 1915 à Nieuport. Le récit par l'amiral Ronarc'h des opérations autour de Nieuport, décrit une série de combats difficiles dans une zone marécageuse, inondée volontairement pour arrêter la progression des Allemands , où il est impossible de creuser des tranchées et où les hommes subissent des bombardements intensifs quotidiens. « Le 12 (mars) l'Enseigne Bonnet, aidé par l'Enseigne de Béarn, enlève brillamment un poste allemand que nous appelons le fortin de Boterdijk. C'est fort bien et je félicite chaudement les auteurs du coup de main, mais la conservation de ce fortin va nous coûter beaucoup de pertes et de soucis ».
Toujours dans le Nord, se trouve Gustave RENAUD. Il est l'un des plus âgés parmi les soldats de Saint-Pierre, puisqu'il était né en avril 1874, à Vouhé en Charente-Maritime. Orphelin avant l'âge de 20 ans, il s'est installé en Gironde au tournant du siècle et il exerce le métier de cultivateur. Il a épousé en 1901 à Casseuil Marie SARRAZIN. En 1914, il est mobilisé au 237ème R.I.. Pendant l'été 1915, ce régiment combat dans les environs de Notre-Dame-de-Lorette, dans le Pas-de-Calais. L'affrontement dans lequel il meurt à Gauchin-le-Gal le 30 juillet 1915 dure 6 jours. Lorsqu'il s'achève on dénombre 58 morts, 11 disparus et 209 blessés. Le nom de Gustave RENAUD est inscrit sur l'anneau de la Mémoire, inauguré l'an passé à proximité du cimetière de Notre-Dame-de-Lorette, parmi les 579606 noms de soldats de 40 nationalités morts dans le Pas-de-Calais en 14-18.
Mais la majorité des morts ont eu lieu en Champagne et en Lorraine .........
L'offensive à tout prix voulu par Joffre, en Champagne a eu lieu le 15 septembre , mais aussi tout le long de l'année en Argonne, Woévre, Vosges, Vauquois, Eparges,etc. .Tout ça pour gagner quelques mètres de terrain, un entonnoir de mine, un observatoire ou village entièrement détruit.
Le caporal Vimier Leonard Armand, agriculteur mort à 22 ans par éclat d'obus le 8 octobre 1915 dans la tranchée de Sapigneul. Ce village de la Marne a disparu, il était au bord du canal de l'Aisne à la Marne.
Le 2ème classe Lussac Camille Jean, viticulteur, mort au combat le 25 octobre 1915 à l'age de 39 ans à Ville sur Tourbe dans la Marne. Il s'était marié le 25 septembre 1911avec Justine Bluray à St Germain du Puch. La veille de sa mort , il y a eu plus de 500 morts. Cette zone de combat est située à coté de Suippes,Massiges, Vauquois.
Le 2éme classe Ducos Louis Célestin, bucheron,tué par les mitrailleuses allemandes lors de l'attaque de la tranchée de Hambourg le 25 septembre 1915. Il avait 34 ans ; il était à Jeanne Randé et avait une fille Germaine de 7 ans. Il a eu la croix de guerre avec étoile d'argent pour être tué en montant à l'assaut de la ferme des Wacques pas très loin du camp de Suippes. La bataille a du être dure, il y a eu 426 prisonniers allemands. Les pertes françaises du 25 septembre au 1 octobre ont été de 367 tués 911 blessés et 360 disparus pour les « hommes de troupe » et 20 officiers tués et 24 blessés.
La bataille de Champagne est déclenchée le 25 septembre 1915. 2 jours plus tard le 27, le 2éme classe Fabre Édouard Victor, cultivateur, est porté disparu dans le chemin de Tahure. Il avait 31 ans, il était marié avec Marie Champon et avait un fils Jean de 5 ans.
Le 9 mars 1915 le 2éme classe Meynard Jean, cultivateur, est porté disparu à Souain dans la Marne.Ce jour là « il était prévu que les hommes partent à l'assaut, sans sac, avec 400 cartouches, 2 jours de vivres, un approvisionnement de grenades à main, et des sacs à terre . Mais les minenwerfer allemands déclenchèrent un ouragan de feu sur le moulin et sur nos tranchées de 1ère ligne . En présence d'un tel barrage, nos compagnies d'attaque ne purent sortir des tranchées. ». Jean Meynard avait 41 ans.
Aux Eparges en dessous de Verdun, des milliers de morts pour défendre un bout de collines au sommet stratégique. Le 5 juin 2015 le soldat Descos Paul agé de 26 ans y est tué. A 4 heures du matin un bombardement allemand extrêmement violent durera jusqu'à 10 heures détruisant la ligne de tranchée. A 10h05, le bombardement cesse et l'infanterie allemande prononce une violente attaque, ralentie par les fils barbelés. Vers midi des compagnies de tirailleurs marocains demandées par le Colonel arrivent et vers 14h une contre attaque se met en mouvement. La 1ère ligne est reprise. Bilan de la journée :
112 soldats tués, 238 blessés, 283 disparus.
Plus loin du coté de Pont à Mousson, dans la Meuse, Au Bois Le Prêtre, le 2ème classe, Lafagne Samory, Jean, Jules, domestique, cocher, âgé de 41 ans y trouve la mort.
Également dans le secteur du Pont à Mousson à Flirey, le sergent Lassauvajue Jean dit Paul âgé de 25 ans, étudiant écclesiastique est tué lors de l'attaque de la tranchée de Barin « défendu par de l'Erzatz de la Garde et des Bavarois ». il y a eu du 5 au 8 avril 1915, 1761 hommes de troupe tués et 110 officiers.
1915, c'est aussi l'année du débarquement dans les Dardanelles, opération menée à l'initiative des Anglais pour affronter l'armée turque, alliée des Allemands. Parmi d'autres, le 175ème R.I a participé à ce débarquement au printemps 1915 et aux combats meurtriers qui s'en sont suivis jusqu'au repli à l'automne 1915. Armand LATRILLE appartenait à ce régiment. Le 13 août 1915, il est blessé par balle à l'omoplate droite près de Sedoul-Boulé. Rapatrié pour être soigné, il meurt des suites de sa blessure peu après son arrivée à l'hôpital de La Seyne dans le Var , le 25 août 1915. Il est l'un des 180 000 Morts Alliés, dont 30 000 Français, de l'opération des Dardanelles.
Enfin quelques-uns meurent de maladies contractées en service. Pierre Etienne CLAVEAU était né le 21 décembre 1890 à Fourques (47), dans une famille de marins de Garonne qui plus tard s'établit à Saint-Pierre. Il s'était engagé dans la marine en 1910 et, comme Joseph HENRY, il était devenu Quartier-maître mécanicien. En 1915 il était affecté au port de Sidi-Abdallah (dit aussi Ferryville) près de Bizerte en Tunisie. C'est là qu'il meurt de la fièvre typhoïde le 20 août 1915.
Jean FERMIS, né le 7 mars 1883 à Saint-Pierre , était ingénieur chimiste. Il avait épousé en 1908 Marie-Thérèse BARBOT et ils avaient un fils, François René , né en 1909. Lors du conseil de révision en 1903, Jean FERMIS avait été exempté du service militaire pour raisons médicales. Mais en 1914, il a été jugé bon pour le service. Il est mobilisé fin février 1915 au 3ème R.I.C. Il meurt d'une méningite à l'hôpital de Rochefort le 9 avril 1915.
Louis Alexandre OLIVIER était né le 12 juin 1873 à Saint-Pierre, il était tonnelier et avait épousé en 1899 Jeanne Hortense LEGLISE, dont il avait une fille, Jeanne, née en 1905. Mobilisé au 37ème R.I.C, comme Jules FABRE, il meurt d'une bronchite double le 11 novembre 1915 à l'hôpital de Gennevilliers. Il avait 42 ans. Il est le dernier des morts de Saint-Pierre en 1915, exactement 3 ans avant l'armistice.